Brian Wilson, le génie ensablé
Leader du groupe californien The Beach Boys, Brian Wilson aura eu une vie plus que tourmentée. De la musique surf aux expérimentations, de la gloire à la dépression, le musicien a vécu plusieurs vies avant de s’éteindre à 82 ans. Les tourments se sont envolés, le génie reste.
La période surf
Brian, c’est d’abord l’aîné de la fratrie Wilson. Avec Carl et Dennis ils s’associent à leur cousin Mike Love et leur ami Al Jardine pour former en 1961 le groupe The Beach Boys (les garçons des plages). Ils produisent des chansons dans le courant à la mode nommé Surf Music, inspiré par le rock’n’roll et le doo-wop. Leur père, ancien musicien, s’improvise producteur, ayant flairé le filon. Le groupe connaît alors un franc succès avec le single Surfin’ et le prestigieux label Capitol Records les signe. Le fruit de cette collaboration, Surfin’ Safari, sort en 1962. L’accueil est mitigé, mais le deuxième album va connaître quant à lui un succès indéniable en 1963. Il s’agit du célèbre Surfin’ USA. C’est la période ou le voisin David Marks rejoint le groupe en remplacement d’Al Jardine. L’effervescence créatrice de Brian Wilson bat son plein et les Beach Boys publient trois albums par ans, trois années d’affilée.
Tournant
Cependant, le génie de Brian est contraint par un genre qui tourne en rond selon lui. Il voudrait passer à autre chose, la mode étant en train de céder la place à la folk et à un groupe en pleine folie créatrice, The Beatles. La présence étouffante du père Wilson, tyrannique, pèse de plus en plus sur Brian. Le moment de rupture a lieu fin 1964, en pleine tournée. Pris de panique, le musicien est rapatrié en Californie où il va se cloîtrer afin de concrétiser les idées qui le hantent. Des mois de frustrations créatrices vont ainsi se libérer en studio. À Los Angeles, Wilson s’entoure de musiciens virtuoses afin d’expérimenter ses idées les plus folles. Harmonies, sons, mélanges d’instruments. Sous l’influence de Bach, de Phil Spector, du Rubber Soul des Beatles, mais aussi du LSD, le compositeur se met pour défi de créer le meilleur disque de rock. Mais pendant ce temps, la carrière des Beach Boys est à son sommet et leurs albums cartonnent. Le titre California Girls, écrit sous acide par Brian, est l'un des plus grand succès du groupe.
Pet Sound

La pièce maitresse de Wilson, ce sera Pet Sounds, album effectivement génial considéré aujourd’hui par certains comme le meilleur disque de tous les temps. Publié en 1966 par Capitol Records, Pet Sounds est une œuvre complexe, à la hauteur de la volonté de son créateur. Mélangeant les genres, usant d’orchestrations riches et variées, faisant appel à un étonnant instrumentarium (instruments classiques, insolites, objets, animaux), le disque est une révolution. Les expérimentations n’empêchent pas cependant à Pet Sounds d’accueillir des tubes et des chansons profondes, telles que Wouldn't It Be Nice, Sloop John B, Caroline, No ou God Only Knows. Malgré l’échec commercial, le disque saura toucher les esthètes et gagnera au fil des années la postérité qu’il mérite.
Good Vibrations

Foisonnant d’idées, galvanisé par l’expérience de son précèdent album, le musicien se lance dans une chanson envisagée comme une symphonie de poche dans laquelle il mélangerait ses idées. Et cette fois-ci, ça marche, les ventes explosent, une chanson complexe, en plusieurs « mouvements », travaillée des centaines d’heures avec pléthore de musiciens (9 mois de studio) peut donc devenir un tube planétaire.
Smile

Requinqué par le succès de sa chanson, Brian Wislon continue de voir les choses en grand et envisage une œuvre encore plus ambitieuse intitulée Smile, dont Good Vibrations serait le titre de départ. En compagnie de Van Dyke Parks qu’il sollicite pour les paroles de cet album concept, Wilson s’enferme en studio pour une année, avec une débauche de moyens. Mais les sessions s’allongent, les musiciens s’épuisent, le trop plein de Brian et son exigence ont raison du projet. De plus, le compositeur a toujours l’oreille tournée vers ses concurrents et l’annonce du futur album des Beatles annoncé comme génial l’inquiète. Lui, toujours en proie à des tourments, entre génie créatif et solitude, élans lumineux et dépression, renonce à Smile après la sortie de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (1967). Un album de remplacement verra cependant le jour sous le titre de Smiley Smile (1967). Il contient des éléments du grand œuvre maudit.
Dépression

À partir de là, Brian sombre peu à peu dans une dépression sévère. Il reste enfermé, prend beaucoup de poids, est interné, divorce. Nous voici déjà en 1979. Durant toute cette période il compose épisodiquement, mais son esprit est ensablé. Les années 80 voient Wilson revenir aux affaires avec les débuts d’une carrière solo, mais un psychologue peu scrupuleux renvoie Brian en enfer. Bourré de médicaments par l’escroc Eugene Landy, le musicien vit désormais cloîtré, sans contact avec sa famille.
Résurrection

Heureusement, il rencontre sa seconde épouse, Melinda Ledbetter, qui va le sortir de ce piège. Libéré de Landy, ayant retrouvé la santé, Wilson retourne en studio et sort en 1988 l’album Brian Wilson.
Avec l’appui de musiciens fans de l’œuvre du compositeur, Melinda encourage Brian à remonter sur scène. Il y aura ainsi un Pet Sounds Tour en 2002, puis le retour du projet abandonné avec Brian Wilson presents Smile en 2004. Il faut dire que les fans ne se sont jamais remis du fait que le grand œuvre de Wilson n’ait jamais pu voir le jour. Parmi eux, le musicien américain Darian Sahanaja qui, littéralement obsédé, a tenté de reconstituer l’album fantôme à l’aide de divers enregistrements pirates. C’est ainsi qu’en 2004, 35 ans après, Brian Wilson peut enfin sortir le chef-d’œuvre dont il rêvait.
Love & Mercy
Pour découvrir un pan de la vie de Brian Wilson, le très beau film qu'a réalisé Bill Pohlad en 2014 est parfait. Vous y découvrirez les deux visages de Brian Wilson, entre la fulgurance créatrice des années 60, l'incertitude, et la dépression sévère jusqu'au années 80.