Monuments de cinémas, épisode 1
Si certains films de cinéma sont des monuments, certains cinémas sont des œuvres (architecturales) tout aussi impressionnantes. A quelques semaines des vacances, nous vous proposons un tour d'horizon des plus beaux cinémas de France encore en activité. Et si aller voir un film dans une salle d'exception faisait partie de votre programme de visites ?
Ce premier épisode introduit une sélection qui se développera tout l'été, la France étant très riche de trésors architecturaux un article ne suffit pas pour balayer les plus beaux monuments.
Profitant d'une formidable invention qui rassembla les populations, les architectes ont fait preuve de beaucoup d'imagination pour créer des lieux qui accueillent avec élégance, et parfois démesure, un nouveau loisir où l'évasion a tout sa sa place. Témoins d'une époque riche en esthétisme, ces lieux sont parfois de véritables trésors, parfois toujours en activité, parfois menacés voir malheureusement perdus. C'était une période (années 30) où les bâtiments devaient être beaux, en mettre plein la vue et donner aux clients l'impression de vivre une expérience extraordinaire.
La concurrence faisait rage car il y a avait une concentration de salles beaucoup plus importante qu'aujourd'hui et il fallait attirer les spectateurs en masse. Plus que la programmation, c'était l'expérience qui était mise en avant. Alors qu'aujourd'hui les nouveaux complexes sont pensés pour optimiser au maximum l'espace et le temps, les cinémas d'autrefois étaient de véritables écrins qui poursuivaient en quelque sorte l'expérience artistique d'un film. Celle-ci tenait parfois presque du rituel religieux. Au fil du temps, par défi ou par nécessité, certains bâtiments ont aussi été détournés de leur usage initial (usines, gares, commerces) pour accueillir des toiles de projection, donnant ainsi lieu à des réhabilitations surprenantes.
De la devanture aux sièges, ces bâtiments recèlent de créativité, partons à leur rencontre !
Cinéma L'Eden à Cosnes-sur-Loire (Nièvre, 58)
L'Eden borde le Nohain depuis 1913. Les premiers films parlants y ont été projetés en 1931. Toujours en activité, ce cinéma de 318 places et deux salles fait figure de référence dans la liste des établissements remarquables. Il est effectivement classé aux monuments historiques depuis vingt-cinq ans et labellisé "Patrimoine du XXe siècle", ce qui assure sa protection et sa préservation.
L'Eden doit sa façade Art-Déco à l'architecte Roger Charton qui a modifié en 1935 l'aspect originel du bâtiment qui était alors plus simple. En 1988, la municipalité décide d'acheter le bâtiment, quelques années plus tard (1993-1994) d'importantes rénovations sont réalisées. Aujourd'hui, le cinéma continue de diffuser de nombreux films même si, comme dans beaucoup de cinémas indépendants, l'activité reste complexe à mener. Catherine Deneuve est la marraine du cinéma et à l'intérieur, le visiteur découvre des affiches dédicacées des célébrités qui sont passées à Cosnes.
Le Darcy à Dijon (Côte d'Or, 21)
Cet ensemble de six salles de projections est situé sur une importante place du centre-ville (la place Darcy). Il fut inauguré en Mars 1914 sous le nom de "Darcy-Palace" et était à l'époque le cinéma le plus grand et le plus luxueux de Dijon (c'était le deuxième à être construit). Il y avait une salle de projection, 1200 places et de la place pour accueillir l'orchestre qui accompagnait les film projetés.
Pendant la Seconde guerre mondiale, le cinéma fut réquisitionné en Soldaten Kino, un cinéma réservé aux soldats allemands. En 1950, on considère sa façade néoclassique démodée et on la recouvre d'un panneau blanc. A la fin des années 70, on divise la grande salle en deux puis trois salles supplémentaires apparaissent au sous-sol.
En 1985, la façade fait de nouveau parler d'elle : le panneau blanc est retiré et on redécouvre le charme des ornements d'origine, dont l'oeil-de-boeuf en vitrail coloré qui représente une rose des vents. Un symbole qui distingue le bâtiment d'une belle façon. On doit cette réalisation au maître verrier Marcel Weinling.
En 1995, le balcon laisse place à une nouvelle salle (la sixième).
Cinéma L'Etoile Seaulieu (Côte d'Or, 21)
Nous restons en Côte d'Or avec cette ancienne chapelle du couvent des Ursulines qui date de 1624 et qui a été convertie en cinéma Art et Essais. C'est une association qui gère la vie du cinéma, plusieurs bénévoles et un seul salarié (le projectionniste) oeuvrent à proposer une activité cinématographique dans cette commune de 2 300 habitants. Le lieu peut accueillir jusqu'à 151 personnes et possède un balcon dans sa sa salle.
L'ancienne chapelle a également accueilli une bibliothèque, une salle de spectacle et une école. Les piliers et arches en pierre qui ont été conservés donnent au cinéma une atmosphère particulière que l'on croise rarement. La séance devient alors un peu plus sacrée.
Cinéma L'Eden à Saint-Jean d'Angely (Charente-Maritime, 17)
Un autre Eden ici avec cette salle bâtie en 1931 (Architecte : André Guillon). 76 jours suffirent à ériger cette impressionnante salle. Très symbolique de l'art déco, la façade a connu une histoire mouvementée. A l'origine on y trouvait des bas-reliefs représentant les arts et la science réunis grâce au cinéma, une création qui a obtenu la médaille d'argent à l'Exposition Universelle de Bruxelles en 1935. Inspiré par les plus belles bâtisses parisiennes, l'Eden représentait une fierté régionale par la richesse de sa construction et notamment sa verrière stylisée qui donnait une ouverture au bar. Longtemps, l'Eden a été le seul vestige Art-Déco de Charente-Maritime.
Au fil du temps, le cinéma fut fermé et longtemps délaissé malgré son inscription aux monuments historiques (1984). En 2004, son délabrement obligea à ouvrir une autre petite salle (L'Eden Pasteur). En 2014, c'est un incendie qui ravagea une bonne partie de la façade. Heureusement, certains bas-reliefs furent sauvés in extremis. Les autorités décidèrent de raser le bâtiment et en 2018, le cinéma fut reconstruit à l'identique. C'est l'animateur Bruno Guillon (natif de Saint-Jean d'Angély et certainement en lien avec le premier architecte des lieux) qui en est le parrain. Aujourd'hui, l'Eden accueille surtout des spectacles, concerts, galas...Un lieu désormais symbole de renaissance culturelle.
A bientôt pour de nouvelles découvertes !
En attendant, nous conseillons cet ouvrage : Cinémas, un patrimoine français