Jean-Patrick Manchette, le maître du polar (1942-1995)
La vieille dame vêtue de noir et or fête ses 80 ans cette année. À cette occasion, les médiathèques de Paris-Vallée de la Marne ont voulu lui rendre hommage et, à travers elle, mettre en lumière le genre du polar.
Rendez-vous à la médiathèque Jean-Sterlin et au cinéma Les Variétés de Vaires-sur-Marne Nouvelle fenêtredu 19 au 22 novembre pour le festival UniVaires polar.
Jean-Patrick Manchette : Le petit bleu de la « Série Noire »
Quand on évoque la Série NoireNouvelle fenêtre. on ne peut manquer de faire référence à Jean-Patrick Manchette pour qui « y entrer était important ». Auteur, traducteur, chroniqueur littéraire, critique et scénariste de cinéma, il nous a quitté il y a 30 ans. En effet, la Série Noire, dans les années 70 est visible, reconnaissable, et surtout très populaire. Elle produit 70 titres par an et entretient des liens forts avec le cinéma. En tant que cinéphile et ayant une prédilection pour l’Amérique, Manchette ne pouvait qu’être attiré par la collection jaune et noire.


Le père du néopolar : un écrivain majeur
Celui que tout le monde surnommait le « père du néopolar » se voulait avant tout descendant du roman noir américain des années 50. Éprouvant une admiration pour Dashiell Hammett, Manchette était sans aucun doute le plus littéraire de nos auteurs français contemporains de roman policier. Il s’amusait à jouer avec la langue, les figures de style et la syntaxe à travers notamment son personnage Eugène Tarpon, ancien gendarme inculte devenu détective privé. Son style dépouillé, rude et pessimiste quant à la société des années 70, participe à l’affirmation des idées libertaires et d’extrême-gauche qui lui tenaient à cœur. Nous lui devons de très bons polars, et pour celles et ceux qui hésiteraient encore à entrer dans l’univers du noir, nous ne pouvons que conseiller des romans comme La position du tireur couché, Nada, Fatale ou encore Ô Dingos, Ô châteaux ! pour lequel il a obtenu le Grand prix de littérature policière en 1973.
Manchette : un « traduc-tueur » hors pair et un découvreur de talents
Grâce à J.-P. Manchette, la France découvre les noms de Donald Westlake, de Ross Thomas mais aussi celui de James Ellroy. Il abandonne l’écriture romanesque au profit de la traduction. Il écrit à l’auteur britannique Robin Cook : J’adore traduire, sincèrement. Comme tu le sais, ce serait mon seul métier si on pouvait en vivre convenablement
.
- Manchette, J.-P, Lettres du mauvais temps, correspondance 1977-1995, Ed. la Table Ronde, coll. Vermillon, Paris, 2020
Les traductions sont pour lui un réel aboutissement de son œuvre.
Les positions du libertaire hardboiled
Parallèlement à son intense activité de scénariste de cinéma, il poursuit la page blanche pour la noircir au plus près de la société qu’il vilipendait : corruptions, magouilles politiciennes, mal-être individuel et déclin de la société. Pour exprimer cela, seule la Série Noire représentait à ses yeux la collection dans laquelle il fallait être publié. Ses personnages sont des privés désillusionnés, des tueurs professionnels, des cadres déshumanisés ou encore des terroristes qui ont pour point commun de perdre pied face aux manipulations dont ils sont les pantins. Manchette dénonce avec force et fureur les régressions politiques et morales dans ses romans. Et pour cet amoureux du film noir, de Humphrey Bogart, des romans américains dits hardboiled, des détectives de Hammett et de Chandler, figurer auprès des plus grands du genre était à la fois un honneur mais aussi une évidence.
Un auteur adapté : du ciné à la BD
Il fut adapté au cinéma par Yves Boisset, Claude Chabrol ou encore Jacques Deray. En 1981, Alain Delon incarnera son Eugène Tarpon dans une adaptation du roman Que d’os ! (écrit en 1976) intitulé Pour la peau d’un flic qu’il réalise lui-même. Dans le film, le détective est rebaptisé Choucas.
En bande dessinée, Jacques Tardi et Max Cabanes explorent, chacun à leur manière, à travers les silences et les ellipses, l’univers narratif de Manchette. Tardi en maîtrise les codes de manière ludique et jubilatoire, il utilise aussi les motifs éculés du genre policier tout en restant fidèle et inventif. Quant à Cabanes, il est respectueux des textes de Manchette, se situe au plus près des conventions du polar et met en lumière la force tragique de l’auteur avec des cadrages quasi cinématographiques, utilisant des plans en plongée ou contre-plongée comme dans le film noir.
Alors, n’hésitez plus à découvrir ou redécouvrir Jean-Patrick Manchette : BD, films, romans, même son Journal et ses Chroniques sont de précieux témoignages de l’époque post-soixante huitarde.
Ses romans
L'Affaire N'Gustro
L'homme au boulet rouge
La position du tireur couché
La princesse du sang
Laissez bronzer les cadavres !
Ses traductions et chroniques
Journal
Kahawa
L'homme au boulet rouge
Les faisans des îles
Lettres du mauvais temps : correspondance 1977-1995
Mère Russie
Les adaptations de ses oeuvres au cinéma et bandes dessinées
Fatale
Griffu
La Princesse du sang : Première partie
La Princesse du sang : Seconde partie
La position du tireur couché
Le choc
Le petit bleu de la côte Ouest
Nada
O dingos, ô châteaux !
Pour la peau d'un flic
Trois hommes à abattre