À travers la voix d'une narratrice qui met le doigt sur l'oubli d'une partie de son enfance, Claire Vesin dresse un portrait saisissant d'une communauté repliée sur elle-même, réfractaire aux changements qui, au cours des années 80, sont en plein essor. On y retrouve le regard aimant d'une petite fille sur la vie de sa mère, une femme partagée entre ses ambitions personnelles et le poids d'une maternité qui l'écrase, contrairement à sa voisine flamboyante qui règne sur le quartier derrière une façade impeccable, mince et ordonnée, mais minée par ses propres frustrations. Il y a également Élise, sa fille, qui rêve de s'affranchir du destin tout tracé par sa mère et qui s'éprend secrètement de son voisin ; et surtout Suzanne, institutrice, dont la jeunesse, la beauté et surtout la couleur de peau bousculent l'ordre établi.

Dans ce décor de banlieue des années 80, les tensions sociales, les rancunes silencieuses et les désirs étouffés forment un tissu dense où chacun se débat pour exister. La jalousie et le conformisme deviennent des armes, les aspirations individuelles se heurtent à la morale collective, et l'amour lui-même, loin de libérer, nourrit la discorde. Peu à peu, ces vies ordinaires s'enchevêtrent dans une spirale de frustrations et de non-dits qui culminent dans un drame aussi brutal qu'inévitable.