La Blacksploitation
La Blacksploitation, qu'est-ce que c'est ?
La Blaxpoitation (aussi Blackspotation) est un courant culturel américain majeur des années 60-70. Surtout présent dans le milieu du cinéma et de la télévision, ce courant valorise la communauté afro-américaine dans des rôles dignes et de premier plan, après de longues années où les personnages noirs d'un récit étaient systématiquement dévalorisés, caricaturés et mis au second plan dans des positions de faire-valoir par exemple. Profitant des luttes pour les droits civiques et la fin de la ségrégation, la communauté afro-américaine, désormais détentrice de plus de pouvoir dans la société, estime qu'une meilleure vision de la société envers les noirs doit passer par des oeuvres culturelles faites par des personnes de couleur et surtout, empreintes d'un empouvoirement jamais donné jusque là. Même si des combats ont été gagnés, les préjugés racistes dans les films étaient encore très présents. Quel meilleur moyen alors que donner la parole aux membres d'une communauté si importante et pourtant privée de moyens d'expression ?
Le terme Blackspotation est la contraction de "black" (noir) et d'exploitation (relation à l'industrie du cinéma), on parle aussi parfois de blaxsplotation en incluant ainsi la terme "plot" (sujet d'un film)
Que montre-t-on ?
Oscar Michaux (1884-1951), considéré comme le père du cinéma afro-américain a été l'un des premiers à mettre en scène des personnes noires non caricaturées. Mais la tendance dans le Hollywood des années 30 à 50 était de les montrer comme danseurs de cabarets, bandits, esclaves ou gentils idiots. Les oeuvres pouvaient certes montrer cette communauté par ce qu'elle vivait réellement : pauvreté, exclusion, soumission... Mais dans le tournant des années 60, une nouvelle classe moyenne noire émerge. Les artistes ont alors envie de répondre à une demande croissante du public de profiter d'un loisir respectueux et d'une nécessité de renouveler les représentations culturelles.
Mais la bataille culturelle et politique ne suffit pas : les scénarios et castings profitent encore largement aux blancs. Aucun producteur hollywoodien n'aura le courage de proposer un rôle d'ampleur à un.e artiste noir.e sans que sa couleur ne soit un sujet dans le récit.
C'est le film Sweet Sweetback's Baadasssss Song, tourné en 1971 par Melvin Van Peebles qui change la donne. Ce film 100 % noir rapporte plus de 15 millions de dollars, un bénéfice inespéré pour une production indépendante d'un budget de 150 000 dollars.
La même année sort Les Nuits rouges de Harlem (Shaft), cette fois-ci produit par un grand studio mais toujours réalisé par un Noir, Gordon Parks (photographe et journaliste). Shaft sera un succès planétaire grâce en partie à la musique originale du film d'Isaac Hayes.
Tous les genres cinématographiques sont explorés par le mouvement.
Ces premiers gros succès font comprendre une chose aux studios de production : il existe une niche dans le marché du cinéma, les spectateurs noirs, qui se reconnaissent enfin dans les histoires et les personnages. Comme toujours, c'est bien l'attrait financier qui permet à ce nouveau genre de se développer. Certains films plus engagés mettent en lumière les luttes essentielles d'alors et démontrent l'influence des mouvements politiques incontournables tels que le Black Power. Quelques personnages forts et libres se dégagent mais aucun ne marquera durablement l'histoire du 7e art.
Quelle postérité ?
Si la communauté noire applaudit les nouvelles super-productions qui les divertit un temps, un problème se pose. Les équipes de ces films étaient très uniformes et les thèmes souvent les mêmes, on tombe dans un écueil bien connu : la reproduction de stéréotypes communautaires. Que l'on soit face à des films policiers, des films d'horreur, des oeuvres musicales, des films de combat, du western, du comique ou encore face à un film engagé, il est difficile de ne pas trouver de préjugés contre-productifs. L'attitude des personnages, leur mode de vie, leur façon de parler forment en ensemble pas toujours valorisant. La plupart des longs-métrage présente des histoires violentes, des scénarios sans profondeur, du sexisme criant et une binarité très basique entre les communautés. Le public se lasse et les associations de défense des afro-américains telles que le NAACP condamnent ces oeuvres. La surproduction s'essouffle et, à la fin des année 70, le genre est déjà démodé.
Bien que certaines de ces oeuvres ont une certaine importance dans l'histoire du cinéma, la plupart n'ont qu'un intérêt limité si ce n'est qu'elles constituent un témoignage d'époque. De plus, on peut regretter que la question de la représentativité des stéréotypes à l'écran ne soit pas été réglée aujourd'hui encore.
Si à l'écran un film de blackspotation apparaît souvent comme gentiment désuet mais dynamique, la musique, elle a marqué les esprits. Beaucoup de films ont bénéficié d'une B.O réellement qualitative : James Brown, Barry White, Isaac Hayes, Jimmy Cliff, Herbie Hancock, Curtis Mayfield...Vous trouverez ci-dessous certains disques tirés des films.
Du cotés des acteurs et actrices, quelques figures majeures ont percé : Pam Grier, Jim Kelly, Rudy Ray Moore, Fred Williamson. Avec la série Black Cobra (1980), l'Italie s'est timidement essayé au genre. Mis à part cela, l'Europe est restée à l'écart du mouvement.
Des réalisateurs contemporains ont été tout de même marqué par la Blackspotation. Quentin Tarantino est ainsi coutumier d'hommages et de clins d'oeil dans ses films, dans Kill Bill vol 1 c'est la musique de Truck Turner & Cie que l'on entend. En 2009, Black Dynamite propose une parodie de blackspotation. Ensuite, des remakes sortent dans les années 2010 : Shaft, Super fly, Cleopatra Jones ou encore Foxy Brown. Le cinéma noir reste une industrie lucrative, des chaînes et programmes spéciaux sont consacrés à celui-ci. Encore aujourd'hui, beaucoup de productions sont considérées comme faisant partie de la blackspotation. La communauté continuant d'accéder à des positions plus importantes et à des capitaux nouveaux, la question de la place des noirs dans la culture continue de se poser et d'évoluer. Beaucoup d'artistes musiciens issus du rap notamment se tournent vers le cinéma en tant qu'acteur ou producteur, conscients de leur influence. Aussi, nous pouvons aujourd'hui citer sans difficulté plusieurs acteurs et réalisateurs noirs qui envisagent cette problématique avec plus de recul.
Enfin, de nombreux débats agitent encore régulièrement le monde du cinéma et de la télé quand un rôle supposément blanc est confié à une personne noire dans un remake. Preuve que le grand écran est encore le lieu de toutes les luttes.
Retrouvez ci-dessous quelques films issus du courant blaxpotation, toute époque confondue.