Soyez sympas, rembobinez #3
RoboCop, Paul Verhoeven (1987)
Dans la ville de Detroit, qui abrite le crime organisé, l'officier de police Alex Murphy est laissé pour mort après une fusillade. Il devient alors un parfait cobaye pour la création d'une nouvelle arme vouée à enrayer la criminalité, un hybride mi-homme, mi-robot, le RoboCop.
Un scénario inattendu
Paul Verhoeven a reçu le scénario en 1985 de la part d’Orion, société pour qui il avait déjà réalisé un film intitulé La chair et le sang. Ce scénario avait été refusé par plusieurs cinéastes hollywoodiens. Verhoeven a bien failli faire de même, lui qui, à l’époque, n’aimait pas la science-fiction et n’avait réalisé que des films réalistes. Trouvant d’abord le titre idiot, il finit par jeter le script après en avoir lu quarante premières pages. Mais c’est sans compter sur son épouse qui réussit à le convaincre, elle qui a récupéré le texte, l’a lu et l’a beaucoup aimé.
Pour Edward Neumeier et Michael Miner, les auteurs du scénario, il s’agissait d’une première œuvre, et c’est Orion Pictures qui en a acheté les droits. Compagnie de production et de distribution indépendante et exigeante crée en 1978, Orion s’est illustré jusqu’au début des années 90 par un certain nombre de films marquants, qu’ils soient d’auteurs (Woody Allen, Miloš Forman, Blake Edwards, Francis Ford Coppola), ou plus spectaculaires comme Excalibur (John Boorman, 1981), Rambo (Ted Kotcheff, 1982), Terminator (James Cameron, 1984), Le silence des agneaux (Jonathan Demme, 1991) ou La famille Addams (Barry Sonnenfeld, 1991). Dix ans après le succès de RoboCop, Edward Neumeier travaillera de nouveau avec Paul Verhoeven sur Starship Troopers en adaptant le roman de Robert A. Heinlein.
Un personnage christique
En s’intéressant de plus près au scénario, Verhoeven le voit comme une métaphore de la crucifixion et de la résurrection de Jésus Christ, personnage dont la figure humaine intéresse beaucoup le cinéaste. C’est ce point de vue qui lui permet d’orienter son idée. Ainsi, il a filmé le meurtre de Murphy comme un acte de torture symbolisant la crucifixion et montré sa résurrection par petite touche pour présenter un personnage diminué, réduit, car programmé avec peu de vocabulaire mais avec une force augmentée. Verhoeven voit symbolisé dans ce nouveau Murphy l’idée du paradis perdu, puisque ne demeure en lui que des bribes de mémoires concernant son passé et sa famille.
En route pour les Etats-Unis
Loin d’être un film au premier degré, RoboCop est réalisé par un artiste qui a fait ses preuves en matière d’engagement et complexité dans ses précédents opus. En effet, après sept films tournés aux Pays-Bas, son cinéma fondamentalement dérangeant n’est plus en odeur de sainteté, les différents niveaux de lecture qu’il y propose n’étant pas du goût des autorités.
Pour cette première réalisation américaine dont l’action se situe à Detroit, les prises de vue ne sont pas tournées dans cette ville mais à Dallas, une cité qui possède des bâtiments modernes mais aussi des zones plus anciennes et moins entretenues. On pouvait alors y utiliser des explosifs.
La scène finale dans l’aciérie a quant à elle été tournée aux environs de Pittsburgh.
La violence en images
L’une des choses qui ont marqué à la sortie du film, c’est sa violence non édulcorée et l’usage du gore choisi par Verhoeven. On sait que le réalisateur n’a pas l’habitude de prendre des précautions quand il s’agit de s’emparer d’un sujet et se plaît à pousser le curseur assez loin. Il vient ainsi répondre à la violence sournoise des dirigeants et des spots publicitaires et autres reportages à sensations qui sont montrés dans son film.
Pour ce faire, Verhoeven a fait appel à Rob Bottin pour diriger les effets spéciaux qui s’avèrent très sanglants et ultraréalistes. Engagé sur des films tels que Piranhas, Hurlements et Explorers de Joe Dante, ou bien The Thing, de John Carpenter, Bottin possède une belle expérience. Nous pouvons admirer ses talents de maquilleur dans la séquence de torture d’Alex Murphy, lors des différents meurtres qui ponctuent le film et surtout dans la scène inoubliable de la cuve d’acide.
Rob Bottin a été chargé de concevoir le costume de RoboCop. Inspiré en autres par Metropolis et La guerre des étoiles, il réussit à créer ce qui deviendra une figure emblématique et, ironiquement, une source de merchandising. Depuis sa sortie, le film a subi toute sorte d’adaptations et de représentations plus ou moins lucratives. Sont apparus au fil du temps figurines, suites cinématographiques, remakes, séries télévisées (animées ou non), bandes dessinées, jeux vidéo…
Une musique à l’image du héros
A film viriliste, musique martiale, mais pas que. Pour appuyer le propos et rapprocher son film de l’archétype du film d’action brutal, Paul Verhoeven a fait appel au compositeur Basil Poledouris connu pour sa bande originale de Conan le barbare et qui avait précédemment travaillé avec le réalisateur hollandais sur La chair et le sang. Poledouris se fond parfaitement dans le rôle qui lui est attribué. Cependant, lui aussi s’éloigne du premier degré du film et compose une partition plus subtile que ce que l’on pourrait attendre de prime abord. Mêlant synthétiseurs et orchestre, le compositeur réussit à recréer en musique la duplicité entre l’homme et la machine. L’héroïsme du thème est contrebalancé dans une partition contenant des passages très sombres et d’autres plus tendres et lyriques.
Scottie Ferguson