Soyez sympas, rembobinez #7
Walk the line, James Mangold (2005)

En 2025 James Mangold vous a fait fredonner Blowin' in the wind avec le biopic sur Bob Dylan, Un parfait inconnu.
20 ans plus tôt, le réalisateur de blockbusters s'emparait de la vie de Johnny Cash, légende de la country américaine. Un biopic salué par la critique et les spectateurs. Fait rare car ce genre provoque rarement le consensus !

Walk the line sera le 6e film (sur 13) de James Mangold. Le réalisateur né à New York en 1963 a débuté sa carrière en réalisant des films indépendants (Heavy en 1995 et Copland en 1997), suivront ensuite des films plus commerciaux tels que Identity (2003) ou Night and Day (2010). Il sera réalisateur et scénariste pour Walk the line, son premier film biographique musical.

"Il me paraissait essentiel que la musique soit authentique " James Mangold
C'est le genre de film qui attire systématiquement les foules mais qui révèle aussi la difficulté de relater fidèlement la vie et l'oeuvre d'une personne célèbre (parfois toujours vivante !) avec des acteurs qui prêtent leurs traits. Si la ressemblance physique est de mise, le film musical exige en plus de chanter comme l'artiste, d'emprunter sa gestuelle, de jouer de son instrument, de faire semblant de performer sur scène...toutes ces compétences exigent un engagement total des comédiens et quand c'est réussi, on admire d'autant plus la prouesse.

Nos deux acteurs principaux ont subi un entrainement intensif de 6 mois pour chanter eux-mêmes les chansons. Le réalisateur a poussé Joaquin Phoenix à se mettre dans la peau de Cash en vivant à Memphis, en copiant son look et sa posture, en prenant la même voix rauque...
Joaquin Phoenix a déclaré qu'il devait "devenir" Johnny Cash. Une entreprise qui d'ailleurs aura des séquelles. Il finira en clinique à la fin du tournage, ayant plongé lui-même dans l'alcool et une profonde dépression. En effet, l'histoire du chanteur a fortement résonné en lui : en 1993 son frère River Phoenix, âgé de 23 ans, est mort d'une overdose. Cash aussi a perdu son frère, une perte traumatisante qui dégradera ses relations avec son père.

La réussite de ce projet tient à une direction des artistes impeccable : Joaquin Phoenix joue le rôle du grand Johnny Cash et Reese Witherspoon incarne June Carter, autre figure de la country et compagne du chanteur en noir. Des rôles loin d'êtres faciles tant ces figurent habitent la culture américaine (Cash a vendu aux USA bien plus de disques que les Beatles).
Retour sur ce film entré au panthéon des biopics
L'origine du film remonte aux années 1990. Le chanteur (qui décèdera en 2003 à 71 ans) rencontre le cinéaste James Keach sur le tournage de la série Docteur Quinn, femme médecin. Le chanteur lui-même suggère l'idée d'un film sur sa vie. Jane Seymour (actrice principale de la série) et son mari James Keach compilent des archives pour développer un script. En 1997, le scénario est prêt. Mais le projet n'avance pas. Le réalisateur contacte alors James Mangold, qui était déjà vivement intéressé par l'idée et voulait absolument faire partie de l'aventure. Cependant, les grands studios rejettent le projet.

Pourquoi ce titre ? Walk the lineNouvelle fenêtre est un titre de l'artiste qui se veut rassurant mais se révèle en fait provocateur car il assure à sa compagne qu'il se tiendra à carreaux pendant sa tournée. Or, les infidélités ont très vite fait voler en éclat son premier mariage et tout le monde connaissait ses écarts. Une attitude dont l'Amérique puritaine des années 60 avait horreur (en façade) mais qui tolérait tout de même que les hommes s'écartent allégrement de cette fameuse ligne.

Johnny Cash en personne a approuvé le choix de confier son propre rôle à Joaquin Phoenix, sa performance d'acteur confirmé ayant été largement saluée dans Gladiator en 2000. Reese Witherspoon, elle aussi déjà bien installée à Hollywood, a également été approuvée par June Carter. Un doublé rare mais gagnant ! L'alchimie entre les deux acteurs restitue parfaitement l'histoire intense du duo.

Malheureusement, le couple d'artistes ne verra pas le résultat sur écran. Ils sont décédés la même année, à quelques mois d'intervalle.
Shooter Jennings incarne le rôle de Waylon Jennings, son père (la country est une grande famille !). Jerry Lee Lewis est incarné par Waylon Payne. Le fils de Johnny et June apparaît brièvement à l'écran et est producteur délégué.
June Carter est moins connue en France et pourtant !
Elle appartient à la fameuse Carter Family, un groupe familial crée en 1926 et qui sera le pilier de la country moderne et populaire. June intégrera le groupe dès qu'elle aura l'âge d'être sur scène. Son talent réside surtout dans son humour et sa prestance. Dans les années 60, Johnny Cash, connaissant bien entendu sa réputation, l'invite à participer à ses concerts. Ils se sont rencontrés dans les coulisses du Grand Ole Opry.
En découle une relation extra-conjugale mal perçue (l'un et l'autre sont mariés de leur côté) mais qui finira en une demande en mariage sur scène. Un mariage qui aura lieu bien plus tard et qui unira les chanteurs à la fois en privé et sur scène, leurs duos musicaux ont un grand succès ! Cette histoire tumultueuse est développée dans le film comme étant un pilier de la vie de Johnny Cash, June Carter ayant longtemps oeuvré pour sortir son mari de différentes addictions.

En 2004, le tournage est lancé pour trois mois. L'équipe se rend dans l'Arkansas, en Californie, dans le Mississippi et bien sûr à Memphis et Nashville.
"Bonjour, je suis Johnny Cash"
Cette célèbre réplique vient de cette habitude du chanteur de se présenter avant chaque concert, même après qu'il soit connu dans tout le début
Comme dans chaque biopic, est d'abord racontée l'enfance de Johnny Cash dans les années 40 à Dyess (Arkansas) près d'une plantation de coton. Une enfance marquée par la musique écoutée à la radio et par un drame familial. L'armée fera aussi partie de sa jeunesse avant que son insubordination ne le fasse revenir à Memphis pour épouser Vivian Liberto et se consacrer un peu plus à la musique. Il rencontrera alors les stars que l'on connaît : Elvis Presley et Jerry Lee Lewis par exemple.

Le film suit ensuite une trame plutôt classique : Johnny est repéré par un producteur (un certain Sam Philips de Sun Records), c'est le début de la gloire, la tournée qui l'éloigne de sa famille, les drogues pour tenir, les infidélités, le début de la déchéance, la cure de désintoxication, le renouveau...
Un destin qui n'a rien de très original pour une super star mais qui permet de dérouler en 136 minutes un film dense, riche en moments forts et surtout en scènes musicales intenses.
Que ce soit sur scène, en studio ou dans l'intimité, la musique occupe évidemment une grande place dans le long-métrage. Des premiers succès (Hey Porter !, Cry ! Cry ! Cry ! ou Folsom Blues Prison d'ailleurs chanté en prison) à la mythique rencontre du Million Dollar Quartet jusqu'aux derniers concerts, nous découvrons avec émotion tous les airs qui ont durablement marqué l'époque. Pour les fans c'est un régal, pour ceux qui découvrent complètement l'univers c'est un enchantement ! Ballades mélancoliques (la souffrance, le deuil, la nostalgie ou l'amour reviennent souvent), rocks endiablés ou musique de vagabond...le style Cash est multiple et c'est pour cela qu'il plaît à autant de monde.

Toute une époque
Le film montre l'Amérique des années 40 à 80. Une époque de bouleversements sur tous les plans : sociaux, politiques et culturels et qui ont eu une empreinte indélébile sur la musique et les artistes qui ont succédé à l'homme en noir. La force de Walk the line est aussi de mettre en scène, à travers le destin d'un homme, les enjeux d'une société tiraillée entre la tradition et la modernité, la foi et le rock, la sobriété et l'ivresse...Autant de paradoxes qui ont écartelé bon nombre de musiciens et musiciennes.
Les démons de Johnny Cash sont bien connus (alcool, drogue, dépression) et ont failli plus d'une fois lui coûter la vie ou la liberté mais après un long chemin et un soutien sans faille de ses proches, il a réussi à remonter la pente. Johnny Cash déclarera (comme beaucoup d'américains "born again") que cette renaissance est due à une révélation divine en pleine tentative de suicide, un épisode qui renouvellera sa foi en dieu. Un nouveau baptême officié par Jimmy Rodgers Snow (fils de Hank Snow, autre figure de la country). Débarrassé de ses idées noires et libre de toute substance toxique, il peut enfin épouser June Carter qui avait posé la sobriété comme condition au mariage.

En somme, un destin hors du commun qui méritait bien un film à la hauteur. Bien sûr, les puristes pointeront des inexactitudes, des raccourcis ou l'absence de certains moments importants (l'engagement politique de Johnny Cash dans les années 70 par exemple) mais comme pour tous les biopics, l'enjeu est avant tout d'apprendre à connaître une personnalité et l'impact qu'elle a eu sur la société. Même si le succès décline dans les années 1980 pour l'homme noir (on lui reprochera notamment de s'éloigner de la country traditionnelle), il reste largement présent dans les médias en apparaissant à la télé (il prête sa voix aux Simpsons, joue dans Docteur Quin, femme médecin), en sortant de nouveaux disques et en publiant son autobiographie en 1997. Lui et sa femme étaient actifs dans les oeuvres caritatives. June a publié un album quelques mois avant sa mort.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur Cash, sa vie, son clan. Mais le meilleur moyen de renouer avec cette figure de la pop-culture américaine c'est d'emprunter urgemment deux dvd : Walk the Line et Country Music, une très bonne série documentaire aussi disponible sur Arte qui fera de vous un expert de l'histoire de la country. Oui, oui, même si avez en tête ces danses en ligne un peu gênantes qui ne sont qu'en fait qu'un cliché très réducteur du genre.
Ken Burns déroule un précis de la culture country en 9 heures, de quoi vous familiariser avec cet immense clan qui nous a offert de bien belles créations : Patsy Cline, Dolly Parton, Hank Snow et Taylor Swift pour ne citer que les plus connus ! Un panorama musical qui est aussi le prétexte pour réviser l'histoire américaine.

En espérant vous avoir donné envie de plonger dans les airs de bluegrass, hillbilly music, honky tonk... Retrouvez également la liste des autres films de James Mangold ainsi que la discographie de Johnny Cash, des documents empruntables et réservables.
Bon rembobinage !
Cliquez ici pour obtenir la liste des CD de Johnny Cash
Identity
Indiana Jones et le Cadran de la destinée
Le Mans 66
Logan
Night and day
Walk the Line
Wolverine : Le Combat de l'immortel
